Ce mercredi 23 décembre 2020, les ONGs Même Droits pour Tous et Advocats for Community Alternatives ont animé une conférence de presse dont l’objectif est de demander à l’État guinéen de respecter les termes de la décision de la Cour de Justice de la CEDEAO, d’enquêter et de punir l’entreprise et les commandants des forces de sécurité qui ont perpétré ces crimes et d’indemniser la communauté pour les violations de leurs droits humains.
En effet, il y a un mois, la Cour de justice de la CEDEAO a reconnu l’Etat de Guinée était responsable de meurtres, d’actes de torture, d’arrestations arbitraires et de déni de justice dans l’affaire du massacre de 2012 au cours duquel les forces de sécurité ont attaqué des habitants non armés dans le village de Zogota pour les punir pour avoir manifesté contre une société minière.
Aujourd’hui, les survivants de ce massacre demandent à la République de Guinée de respecter les termes du jugement, d’enquêter et de punir l’entreprise et les commandants des forces de sécurité qui ont perpétré ces crimes, et d’indemniser la communauté pour les violations de leurs droits humains.
“En octobre 2018, nous avons décidé de porter l’affaire devant la Cour de justice de la CEDEAO, un Tribunal régional ayant le pouvoir de tenir les Etats d’Afrique de l’Ouest responsables de violations des droits humains, a déclaré Me Pépé Antoine Lama, avocat de MDT et membre du Conseil de l’Ordre du Barreau de Guinée. Les habitants de Zogota étaient représentés par MDT et Advocates for Community Alternatives (ACA), une organisation de défense des droits humains basée au Ghana qui aide les communautés affectées par les industries extractives. Et le 10 novembre 2020, les prières des habitants de Zoghota ont été exaucées : la Cour a rendu une décision confirmant leurs allégations. “La Cour a reconnu que les forces de sécurité guinéennes avaient violé le droit à la vie, le droit de ne pas être soumis à la torture et aux arrestations arbitraires, ainsi que le droit à un recours juridique efficace”, a déclaré Me Foromo Frédéric Loua, président de MDT.
“Enfin, après huit longues années, les auteurs de ces actes odieux seront tenus responsables de leurs crimes” ajoute-t-il. La Cour a donné un délai de six mois à l’Etat de payer un montant total de 4,56 milliards de francs guinéens (environ 463000 dollars américains) aux victimes et à leurs familles. Grâce aux efforts de MDT, plusieurs témoins ont été interrogés par un juge d’instruction guinéen.
Cependant les victimes du massacre attendent impatiemment que l’Etat de Guinée prenne des mesures idoines et promptes pour les indemniser et traduire en justice les auteurs de ce massacre. “L’attaque de notre village nous a arraché de l’affection de nos fils, pères et maris”, a déclaré Thérèse Soropogui, mère de Nabolo Kolié, l’une des victimes du massacre. “Nous avons perdu les personnes qui soutenaient nos familles et nous souffrons encore huit ans plus tard” ajoute-t-elle. Selon Lalla Touré, experte en droits de l’homme et coordinatrice juridique d’ACA, les normes internationales appellent à une indemnisation et à des poursuites pénales en cas de violation des droits de l’homme. “L’indemnisation permettra aux victimes du massacre de Zoghota de reconstruire leur vie, et la justice pénale révélera la vérité et garantira que de tels crimes ne se reproduisent à l’avenir”, a déclaré Touré. La décision de la Cour de justice de la CEDEAO a également des implications importantes pour l’avenir de l’exploitation minière autour de Zogota. VBG a suspendu ses opérations à Zogota après le massacre, puis a perdu sa concession minière lors d’un énorme scandale de corruption.
Cependant, la Guinée a récemment annoncé son intention de réattribuer la concession à Niron Metals, une société liée à Beny Steinmetz, l’un des propriétaires et bénéficiaires ultimes de VBG. “Les habitants de Zoghota ont dit au gouvernement qu’ils n’accepteront jamais l’exploitation minière sans que justice ne soit rendue au niveau national”, a déclaré Jonathan Kaufman, directeur exécutif d’ACA. “Il appartient maintenant à l’Etat de briser le cycle de l’impunité, de donner aux habitants de Zoghota la justice qu’ils méritent et d’aider chacun à progresser vers un avenir meilleur” ajoute-t-l.
Pour rappel aux environs de 1h du matin, le 4 août 2012, les forces de sécurité guinéennes investi le village de Zoghota, tirant sans distinction sur tout ce qui bougeait. Ils ont tué six villageois, blessé plusieurs autres incendié des maisons et volé des biens personnels. “Ils sont venus la nuit, alors que déclaré Kpakilé Gnédawolo Kolié, le président de la communauté, qui est également le chef du collectif des victimes du massacre. “Nous avons été réveillés par le bruit des balles, et quand les gens sont sortis pour voir ce qui se passait, ils ont abattu nos pères et nos frères. Certains villageois arrêtés lors de l’attaque ont été torturés par des agents de force de sécurité qui les ont coupés aux bras au cou et aux poignets. Les forces de sécurité ont également arrêté et torture arbitrairement des habitants de Zoghota avant et après le massacre.
L’attaque était des représailles pour une manifestation à grande échelle contre les pratiques d’emploi et la destruction de l’environnement dans la mine de minerai de fer de Zoghota appartenant à Vale BSG Ressources (VBG), un conglomérat minier international. Au cours des manifestations, des Villageois de plusieurs communautés entourant la mine dirigée par les habitants du village de Zoghota ont occupé le site de la mine et ont été accusés d’avoir détruit les biens de l’entreprise. Le massacre n’a jamais fait l’objet d’une enquête par les autorités guinéennes. Les forces de sécurité et de l’entreprise ont fourni des explications contradictoires sur les meurtres