Dans trois semaines, on n’entendra peut-être plus jamais parler de cette entité qui aura fait les beaux jours des jeux de hasard en Guinée. Cette chasse non voilée contre la très convoitée « vache laitière pour la junte » suscite quelques confusions qui méritent d’être relevées.
Une mauvaise interprétation du décret
Le décret publié le 13 mai sur les antennes de la RTG, conférant à la LONAGUI, entité publique, l’exclusivité de l’organisation et de l’exploitation de toutes les formes de loterie, notamment de paris sportifs, commercialisé en réseau physique de distribution sur tout le territoire de la République de Guinée, est inspiré du décret du 28 mars 2000 qui a institué l’entité. L’Etat veut mettre main sur Guinée Games et rien ne semble l’arrêter. Il lui exige de transférer toutes ses activités à la LONAGUI.
Le premier constat à faire est que dans aucun passage du dernier décret, il n’a été question de transfert des activités par les sociétés qui exploitent les jeux en Guinée. Il s’agit peut-être d’arrêt mais pas de transfert. Dans le récent communiqué (qui n’a aucun caractère contraignant mais plutôt informationnel) du ministre secrétaire général de la Présidence un passage mentionne ce qui suit « Il est demandé à tous les acteurs impliqués dans la commercialisation en réseau physique de distribution des produits visés par le Décret ci-dessus, de prendre
attache avec la Direction Générale de la Loterie Nationale de Guinée S.A (LONAGUI), pour le transfert de leurs activités.) Or, ce n’est pas ce que dit le décret.
Une torsion du droit
Cette cessation forcée tord le cou à la loi et n’est rien d’autre qu’une violation flagrante du droit de l’OHADA qui régit les affaires dans 17 pays africains, auquel la Guinée a souscrit le 05 mai 2000.
Il suffit également de se référer au décret du Colonel Doumbouya qui précise à l’Alinéa 2 de l’article 3 que « les articles 2 et 3 du présent décret ne sont toutefois pas applicables aux contrats relatifs à l’organisation et/ou à l’exploitation desdits jeux qui ne sont pas parvenus à leur échéance contractuelle à la date d’entrée en vigueur du présent décret ». Et il se trouve que, Guinée games qui a vu échoir la durée de son contrat avec la LONAGUI, sans dénonciation ni cession, sur la base du principe de la tacite reconduction et de la disposition susmentionnée, est dans son droit de poursuivre ses activités d’exploitation des jeux.
La LONAGUI est un établissement public à caractère commercial, fonctionnant dans ses relations avec ses cocontractants, sur la base du droit commercial. Or en Guinée, ce droit repose sur le régime du droit de l’OHADA. Celui ci consacre le renouvellement des contrats par tacite reconduction. Cette disposition est également mentionnée dans le contrat liant Guinée Games à la LONAGUI.
De mille manières, l’Etat a un rôle de régulation, après avoir montré ses nombreuses limites dans la gestion de plusieurs secteurs, exploités ailleurs par les privés, considérés comme mieux organisés et disposant des meilleures expertises, pour atteindre les objectifs de création de richesse et d’emplois. Au regard de l’emoi suscité dans l’opinion, Guinée Games semble se positionner ainsi comme espoir des nombreux guinéens.
PMU + qui patine encore et dont la récupération semble entraîner des pertes d’emploi avec la raréfaction des kiosques est une illustration parfaite que l’Etat doit réguler, réadapter ses conditions de partenariat, mais n’a pas à se mêler de tout, surtout lorsque les secteurs se portent bien. Quitte à lui d’exiger davantage de taxes ou de profits.
Le monopole n’a jamais payé, la concurrence crée des émules et favorise le dynamisme économique.
En France, la Française des Jeux a été privatisée en 2019, la plus grande compagnie de loterie du monde Power Ball est privée, le Cameroun, le Congo, la RDC et plusieurs autres pays, se sont orientés vers la privatisation.
Pour finir, si cela n’est su du CNRD, Guinée Games parraine la très febrile culture guinéenne, a longtemps supporté le football et récemment le Basket Ball guinéens. Guinée Games est l’une des rares entités qui permet encore au très pauvre secteur des médias de survivre.
Faites des concessions, la cessation pourrait être fatale à plusieurs catégories sociales qui n’ont jamais compté sur l’Etat Guinéen.
Moussa Daraba