La volonté de l’Etat de récupérer ses biens a créé de vives réactions chez la population et chacun y va de son commentaire.
Notre propos n’est pas de soulever les questions de fond encore moins de dire entre l’Etat et les occupants qui a tort ou raison mais rappeler simplement dans les lignes qui suivent l’une des règles fondamentales qui gouvernent l’action administrative.
L’acte projeté par le gouvernement de la transition dans le cadre de la récupération des biens de l’Etat s’analyse comme une décision administrative. Or une décision administrative vue sous l’angle juridique a ses particularités.
Ainsi pour permettre à l’Etat d’accomplir sa mission d’intérêt général et empêcher tout autre intérêt opposé, le droit reconnait à l’administration d’imposer sa volonté aux administrés que cette volonté soit légale ou illégale. Cette prérogative accordée à l’administration et qui déroge au droit commun s’appelle le privilège du préalable (ou action d’office).
Comme vous le constatez, il s’agit d’une prérogative de puissance publique qui signifie que l’administration a la latitude de prendre une décision en toutes circonstances sans se référer au juge et la faire appliquer immédiatement. Une personne à qui une décision administrative porte grief peut toutefois former un recours devant le juge administratif. Il appartient au juge et à lui seul de se prononcer sur la légalité d’une décision administrative. L’acte administratif est souvent unilatéral dès lors une autorité administrative ne doit pas s’attarder à le justifier puis qu’il ne lui incombe pas d’apporter la preuve de l’illégalité de son acte.
Force est de remarquer qu’une décision administrative est légale tant qu’elle n’est pas suspendue ou annulée par le juge (présomption de légalité). La jurisprudence est constante en la matière. Le Conseil d’Etat (la plus haute juridiction administrative française) a réaffirmé ce principe séculaire du droit administratif dans une décision de 24 février 2016 : « une collectivité publique est irrecevable à demander au juge administratif de prendre une mesure qu’elle a le pouvoir de prendre. »
Il faut dire en passant qu’une décision administrative peut revêtir plusieurs formes : décrets présidentiels, arrêtés ministériels, arrêtés municipaux, arrêtés préfectoraux, circulaires, délibérations des assemblées etc.
De ce précède, toute personne physique ou morale concernée par la mesure administrative de récupération des domaines de l’Etat doit libérer les lieux avant d’utiliser éventuellement les moyens légaux mis à sa disposition par le législateur pour faire respecter ses droits.
Telle est notre lecture de l’actualité. Que Dieu protège la Guinée. Amine.
Issa KEITA, Juriste d’entreprise