Mon objectif, à travers ce récit, est de contribuer à la manifestation de la vérité en rapportant de façon brève et simple ce que j’ai vu tout en souhaitant que les victimes soient rétablies dans leurs droits et qu’il n’y ait plus jamais ça en Guinée. Je salue les efforts fournis par les autorités guinéennes pour la tenue de ce procès.
Pour éviter toute déformation de mes propos, je publie ce témoignage sur ma page Facebook officielle et dans la presse en ligne. Ce témoignage m’engage totalement car il ne peut être altéré par qui que ce soit.
Je confirme que des atrocités ont été effectivement commises le 28 septembre 2009 par des hommes armés venus par surprise au stade du 28 septembre où étaient réunis des milliers de manifestants pacifiques. En tant que victime et témoin de ces douloureux événements, je peux me prononcer sur les cas de trois officiers inculpés : le Colonel Moussa Tiegboro Camara, le Commandant Aboubacar Sidiki Diakité dit Toumba et le Capitaine Marcel Guilavogui.
En effet, le matin du 28 septembre 2009, nous les leaders du Forum des Forces Vives de Guinée, quittions le domicile de feu Jean-Marie Doré (paix à son âme) à Donka, où nous étions tous réunis, pour aller à pied ensemble au stade du 28 septembre situé à Dixinn. En chemin, nous avons été stoppés par des policiers au niveau de la première porte de l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry. Quelques minutes plus tard, le Colonel Tiegboro est arrivé. Il nous a demandé d’accepter de reporter notre meeting au lendemain ou à une date ultérieure, au stade de Nongo, en se disant prêt à assurer la sécurité de la manifestation. Le reportage radio en direct de journalistes présents sur les lieux a alerté des manifestants qui se trouvaient sur l’esplanade du stade. Ils sont venus vers nous pour nous soutenir. Cela m’a permis de forcer le passage. De nombreux jeunes m’ont soulevé jusque dans l’enceinte du stade. Peu après, les autres leaders m’y ont rejoint.
Une fois les différents discours prononcés, nous nous apprêtions à mettre fin à la manifestation. C’est alors que des coups de feu nourris et des tirs de grenades lacrymogènes ont retenti, provoquant la panique et la débandade. Les gens ont fui dans tous les sens.
Quand le massacre a commencé, quelques leaders et leurs proches sont restés sur la tribune déserte. Nous avons aperçu un groupe d’hommes en uniforme armés. Un d’entre eux a crié « voici les bâtards » et ils sont venus vers nous en courant. Parmi eux se trouvait M. Toumba Diakité. Certains nous ont roués de coups. Monsieur Toumba nous a demandé de le suivre. Avec lui, nous sommes descendus de la tribune. Nous avons atteint la pelouse et pris la direction de la sortie du stade. Durant ce long et difficile trajet, nous avons été blessés par des coups de crosse, de botte et de poing de ces mêmes hommes en uniforme armés et d’autres qu’on a rencontrés sur le parcours. Monsieur Toumba dissuadait ceux qu’il voyait nous agresser. Entretemps, j’ai perdu de vue M. Cellou Dalein Diallo.
Tout au long du parcours, j’ai vu des manifestants, dont des femmes, en train d’être malmenés. J’ai aussi vu des gens couchés à même le sol, immobiles. M. Toumba nous a sortis du stade et embarqués dans sa voiture. Ensuite, il est reparti vers le stade.
Pendant ce temps, nous avons aperçu le Colonel Tiegboro transportant M. Jean-Marie Doré. Nous avons été surpris de voir M. Doré parce que nous l’avions laissé chez lui pour recevoir les chefs religieux.
Monsieur Marcel est venu nous trouver dans la voiture de M. Toumba, pendant l’absence de ce dernier. Il a frappé d’un coup de bâton au visage de M. Sidya Touré assis du côté de la portière.
Je précise que nous étions quatre dans la voiture de M. Toumba : Messieurs Sidya Touré, un de ses proches, François Louncény Fall et moi-même Mouctar Diallo.
Quand M. Toumba est revenu, il a pris le volant et la direction de Kaloum. Il a tourné au pont du 8 novembre et a garé à la clinique Ambroise Paré. Il nous a demandé de descendre pour bénéficier de soins. Le Capitaine Marcel qui nous suivait a surgi et a exigé de nous conduire au camp Alpha Yaya Diallo. Le Commandant Toumba et le Colonel Tiegboro, qui était venu lui aussi à la clinique, ont essayé en vain de sensibiliser le Capitaine Marcel. Il a sorti une grenade et menacé de la faire exploser si nous descendons du véhicule.
Contrairement aux dires, aucun leader n’a pleuré.
Face au refus de M. Marcel de nous laisser descendre pour entrer dans la clinique, M. Toumba a repris le volant et, à toute vitesse, il nous a conduits à l’état-major de la gendarmerie nationale, où il nous a mis à la disposition des gendarmes qui y étaient.
Je ne peux pas affirmer que le Commandant Toumba Diakité est impliqué ou non dans les crimes commis le 28 septembre 2009, mais je ne l’ai pas vu agresser quelqu’un et il nous a sauvés.
Le soir, le Colonel Tiegboro nous a regroupés à la clinique Pasteur, située à Kaloum, pour nos traitements. Il s’agit de Messieurs Jean-Marie Doré, Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré, Lounceny Fall, Bah Oury et moi, Mouctar Diallo.
À aucun moment, je n’ai vu le Colonel Tiegboro agresser quelqu’un, il a plutôt cherché à calmer et à protéger les gens.
Je prie Dieu d’accueillir les victimes de ce massacre odieux dans Son Paradis.
Vive la Guinée réconciliée, paisible, fraternelle, démocratique et prospère !
Que Dieu bénisse la Guinée !
Washington, le 2 novembre 2022
Dr Mouctar Diallo
Président du parti politique NFD
Ancien ministre et ancien député.